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Université Paul Valéry, Montpellier 3
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UNPEC - Responsable Estienne Rodary
Les parcs nationaux dans les métropoles des pays émergents
La question des parcs nationaux est encore en général considérée sous l’angle d’un antagonisme entre conservation (de la nature) et développement (des sociétés). Il existe une abondante littérature scientifique sur le sujet, qui pour l’essentiel prône une approche participative permettant d’intégrer les populations locales à la politique de protection et, de ce fait, de concilier équité et efficacité. Revisiter cette question à propos de métropoles des pays du Sud (Rio de Janeiro, le Cap, Bombay, Nairobi) oblige à abandonner une partie des conclusions habituelles : quand une partie des parcs nationaux, très proches de grandes agglomérations en forte croissance, est conquise ou risque de l’être par des bidonvilles mais aussi par des résidences bourgeoises ou d’autres activités, peut-on encore prôner la cogestion et la participation des habitants ? Alors que les populations aisées tirent parti des aménités dues à la proximité de l’espace protégé, les citadins les plus pauvres n’ont parfois aucun intérêt à la conservation du parc – bien au contraire - étant donné qu’ils n’en tirent la plupart du temps aucune ressource, et n’ont guère de « savoirs écologiques » pouvant contribuer au maintien de la biodiversité. Il en va de même pour les perspectives habituelles concernant l’habitat précaire dans les villes du Sud. Plutôt que de valider les politiques de destruction des bidonvilles et de transplantation des habitants, la plupart des chercheurs prônent la consolidation des quartiers informels. Mais une telle approche apparaît moins tenable lorsque ces bidonvilles sont implantés à l’intérieur même des parcs nationaux, étant donné qu’une réhabilitation in situ irait à l’encontre de l’objectif de protection. Or, la complexité du sujet est encore renforcée par son cadre international : celui de pays émergents, à des degrés divers. Car que signifie « l’émergence », sinon, en termes socio-culturels, la juxtaposition de groupes de plus en plus contrastés, dont les systèmes de représentation de la nature sont divergents ? Le processus d’émergence modifie la composition et la dynamique des classes sociales et fait du parc un lieu révélateur de rencontres et de conflits, au Brésil, en Inde, en Afrique du Sud et même dans des pays comme le Kenya, marqués par des crises récurrentes, pour lesquels « l’émergence » semble encore être un objectif à atteindre plus qu’un réel processus de développement. Les populations aisées adoptent les représentations dominantes dans les sociétés d’Europe ou d’Amérique du Nord, considérant le parc urbain comme un espace de loisirs et de recréation, ou de protection de la biodiversité. Au contraire, les habitants des bidonvilles tendent à voir l’espace protège comme une réserve de terrain à bâtir ; tandis que les éleveurs de Nairobi ou les agriculteurs de Bombay considèrent le parc comme un possible gisement de ressources. L’étalement urbain pose la question de la localisation de ces parcs, au sein d’un système spatial dense aux multiples dynamiques de pression. Enfin, le processus d’émergence met en lumière les nouveaux enjeux de ces parcs : dits « nationaux », mais inscrits dans une dimension locale urbaine, ils sont confrontés au défi d’une gestion qui doit se faire en tenant compte de ces multiples échelles. Ils peuvent contribuer au renforcement de l’image de la ville et atteindre un statut d’icone (le Cap, Rio de Janeiro), alors même qu’ils peuvent avoir été considérés jusque là comme une ressource financière locale avant tout (Nairobi), voire complètement négligés par les pouvoirs urbains en place (Bombay). L’environnement peut être un objectif rassembleur, qui soit facteur d’intégration locale (Rio) voire nationale à en croire le discours officiel (le Cap), mais aussi fonctionner comme un outil de segmentation spatiale et sociale (Bombay). Dans quelle mesure le mode de gestion d’un parc national urbain est-il révélateur du degré, des dynamiques et des formes d’émergence d’un pays et d’une ville ?
The issue of national parks is generally considered from a “conservation vs. development” perspective. There is an abundant literature on this topic, which mostly emphasizes the need for participative management to include local people in developing and implementing conservation policy, thus reconciling efficiency and equity. When considering protected areas found in the megalopolises of developing countries, however, some of our usual conclusions must be set aside, even at the risk of political incorrectness. When expanding slums, multiplying upper-class residences, and other competing land uses blur the boundaries of national parks they abut-and sometimes subsume-is it still possible to advocate joint management and participation? Some of local dwellers often have no interest in park conservation – in particular as they usually enjoy but limited access to and benefits from it, and remain largely estranged from the “environmental knowledge” which could otherwise motivate support for biodiversity conservation. In the urban South, a similar paradigm shift is needed with regard to policies on housing for the poor. Rather than justifying slum clearance and resettlement, most scholars instead advocate in situ rehabilitation. This approach weakens, however, when confronted with slums that have set up within or beside national parks: rehabilitation in those specific places can undermine the very natural systems such protected areas exist to preserve. These issues are all the more complex given the international context in which they are located: emerging countries (to varying degrees). “Emergence”, in socio-cultural terms, means nothing if not the juxtaposition of increasingly contrasted groups with diverging representation patterns. More rich people, but as many poor as before: broadly speaking, this is the situation in Brazil, India, South Africa and even Kenya. Well-off people adopt dominant ideas from the West, considering urban parks as a recreation areas or as places devoted to the good cause of biodiversity conservation, or as privileged places for themselves to live nearby. On the contrary, some slum dwellers tend to see the protected area as a stock of land to be potentially built on. For the herdsmen of Nairobi and farmers of Mumbai, the park remains a means of livelihood, where agriculture, grazing or collecting firewood are possible. Lastly, the process of “emergence” in these five countries highlights new issues at stake: these parks are called “national” but, since they are located in a local dimension within urban agglomerations, they face the challenge of designing and implementing management strategies at all of these multiple scales. Parks can contribute to the global image of the city and reach the status of iconic logos (Cape Town, Rio) whereas until now, they may have been considered as a local source of income (Nairobi) or neglected by urban decision makers (Mumbai). Environmental objectives can be a rallying factor for local (Rio) even national (Cape Town) integration - at least in a narrative form – but they can also work as tools of spatial and social segmentation (Mumbai).
Responsable du projet (au sein de Gred) : Estienne Rodary
Dates début et fin des travaux : 2012 - 2015
Equipe mobilisée (noms des membres de GRED) :
Partenaires :
- Laboratoire Gecko (université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense)
- Institut français de recherche en Afrique (Nairobi)
- Institut français d’Afrique du Sud (Johannesburg)
- Université de Lyon II
- Université de Limoges
- Prodig (CNRS, IRD, université Paris 7)
Financeurs : Programme ANR
Terrains d’étude : Afrique du Sud, Kenya, Brésil, Inde.
Mots clés : géographie, pays émergents, parcs nationaux, métropoles, gouvernance urbaine, conservation de l'environnement.
Site internet : http://www.upa-network.org/